Médecine et ostéopathie, une question d’histoire

  

Médecine Manuelle - Ostéopathie, en quelques mots…

INTRODUCTION

 « L’homme est intelligent parce qu’il a une main ».

ANAXAGORE, Philosophe (né vers -500, mort en -428)

« Celui qui n’a jamais rien fait de ses mains n’a pas démontré qu’il était intelligent».

Docteur Freddy HUGUENIN  (1920-2014)

Si depuis toujours l’Homme a utilisé son premier outil, la main, traiter par la main dépasse largement la simple apposition et le massage. La Médecine Manuelle est l’art de soigner avec les mains, elles-mêmes prolongements directs du cerveau et de la réflexion. Nos plus lointains ancêtres ont dû créer les éléments de base de ces traitements, bien avant HIPPOCRATE (460 avant J.-C 377 av. J.-C).  

C’est aux Etats-Unis, en 1886, que le Dr. Andrew Taylor STILL pose les bases d’une philosophie, d’un traitement manuel et crée le terme d'Ostéopathie dérivé du latin  « manus » signifiant « main » et  « manipulus » poignée. Les manipulations vertébrales sont un élément central de la pratique. 

Cet enseignement arrive en Europe avant la première guerre mondiale. En France, le Dr Robert LAVEZZARI  (1886 – 1977) concourt à l’implantation de l'Ostéopathie, la Médecine Manuelle a été codifiée et promue grâce aux travaux du Docteur Robert MAIGNE (1923-2012, Hôtel-Dieu de Paris). 

Pour nous, médecins, il est essentiel de souligner qu’il n’existe qu’UNE MÉDECINE et que, si le DIAGNOSTIC est médical et unique, la thérapeutique est multiple. Si la main est l’outil du diagnostic clinique et de la thérapeutique, cela n’a de sens que dans le cadre d’une approche médicale globale. Le médecin ostéopathe n’est pas un “monothérapeute”, c’est un médecin maîtrisant le diagnostic aussi bien que possible, à la recherche d’une pathologie lésionnelle sous une plainte de l’appareil locomoteur, ayant l’ostéopathie dans son arsenal thérapeutique. Il sait prescrire, interpréter, utiliser tous les  examens et traitements complémentaires (pharmacopée, infiltrations, orthèses, rééducation, etc…) et ne doit pas se contenter des thérapeutiques qui lui sont spécifiques. 

Le terme de “médecine orthopédique" longtemps utilisé soulignait que cette pratique manuelle de la médecine se voulait le complément naturel de la chirurgie orthopédique.  Il a été remplacé depuis les années 2000, par la dénomination Médecine Manuelle - Ostéopathie.

Enfin, en 2022, le Conseil national de l’Ordre des Médecins a entériné le terme Médecine Manuelle - Ostéopathie Médicale afin de distinguer clairement la pratique de l’ostéopathie par les médecins des pratiques de confort des ostéopathes non médecins, activité légalisée en mars 2002. Certains militent désormais pour remplacer le Médecin-Ostéopathe par le terme d’Ostéologue, afin d’éviter  toute confusion avec les ostéopathes non médecins.

La première attestation d’études supérieures en Médecine Manuelle Vertébrale fut ainsi créée en 1969 à la faculté Broussais-Hôtel-Dieu. L’enseignement devient D.U.(diplôme universitaire) en 1973, initialement réservé aux rhumatologues, puis DIU (diplôme inter universitaire) en 1996, il est centré sur les manipulations articulaires, particulièrement du rachis. Le médecin ostéopathe doit savoir associer l’approche structurelle (manipulations vertébrales et périphériques, reposant sur les données biomécaniques,  aux traitements des tissus mous préparant le geste manipulatif ou le complétant.

Les groupes régionaux de formations ostéopathiques dispensent des enseignements de base tels les D.I.U ainsi que des perfectionnements, ils sont réunis avec les groupes belge et suisse au sein de la FEMMO, Fédération Francophone des Groupes d’Enseignement et d’Études de Médecine Manuelle Ostéopathie. Ils s'ouvrent à des approches multiples plus ostéopathiques qu’orthopédiques (Strain-Counterstrain ou relâchement positionnel de L.JONES, Muscle Energy Technic ou Myotensif de  James MITCHELL, Traitement Général Ostéopathique de l'École de Bobigny, Ostéopathie crânienne avec la Société  Française d’Ostéopathie, viscérale, somato-émotionnelle, l’ostéopathie posturale avec le SIOPOS, les Mouvements de préférence de J.MARSMAN, avec de nombreux intervenants anglo-saxons au GEOS etc…) venant compléter l’éventail des thérapeutiques manuelles, au-delà des pratiques des rebouteux et autres médecines traditionnelles. 

HISTORIQUE

Des origines au XIXème siècle

Les sociétés primitives ont toutes eu un sorcier-chaman-mage-devin ou autre prêtre ayant “le don”, pour la prise en charge de la maladie somatique ou psychique. Ne discutons pas des méthodes employées, connues ou supposées, mais retenons que ces thérapeutes ont utilisé des méthodes manuelles de traitement, ne serait-ce que pour faire face aux entorses et fractures. De tous temps, la main d’un tiers sur une zone douloureuse, simplement posée… cela peut déjà  être très  bon mais, quelque soit le sujet, 

« Sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie… »

Georges Brassens  (1921-1981), Le mauvais sujet repenti

Des témoignages datant d'environ  7000 ans attestent de l’exercice de thérapeutiques manuelles en Chine (et en Egypte (papyrus d’Edwin SMITH, véritable traité d’orthopédie long de 4,68m).  

En  Méditerranée, les Grecs avec HIPPOCRATE, (-460 à -377) : “Il est nécessaire de posséder une solide connaissance de la colonne vertébrales car de nombreuses affections sont causées par l’état défectueux de cet organe” De articularis, chapitre 47) 

et les Romains avec GALLIEN, (129-201) qui avait traité la névralgie cervico-brachiale post-traumatique de PAUSINIAS (...je traitais l’épine dorsale (C7) où le mal avait son siège, les doigts affectés furent guéris à la suite du traitement” De locis affectis, livre 1, paragraphe 6) vont transmettre un héritage manuel dont profiteront les Perses (AVICENNE, 980-1037).  Tout ce savoir suivra les invasions arabes jusqu'en Espagne. Ces connaissances seront également véhiculées par de multiples traductions perse-grec-latin-arabe et par la diaspora juive, entre autres vers  le Sud de la France et Montpellier (première faculté de médecine en 1220).

Dans l’Europe du Moyen-âge vint une période où l’Art médical devint l’apanage des clercs, que leurs vœux ne prédisposaient (théoriquement) pas à palper des corps nus ou presque… De facto, les traitements manuels et la chirurgie furent « déclassés », dévolus aux non-médecins qu’étaient les chirurgiens-barbiers. Parmi eux, Ambroise PARÉ (1510-1590), célèbre comme Barbier- Chirurgien puis Docteur-Chirurgien royal, a laissé d’intéressants écrits sur des techniques manipulatives qui paraissent, quand même, assez barbares.

En 1572, Luis de MERCADO à Valladolid est le premier universitaire à enseigner les manipulations vertébrales tout en regrettant qu’elles ne soient pas employées par les médecins mais par les “algébristes, les bergers, des paysans rustres et des jeunes femmes”!

De fait, la faculté regarde ces pratiques avec un certain mépris: Guy PATIN (1601-1672) doyen de la Faculté de médecine de Paris traite les barbiers de “méchants coquins, bien extravagants, qui ont des moustaches et des rasoirs” et d’ajouter que “ La science n’est pas pour ceux qui n’ont que les mains”. Soit, nous nous contenterons de l’Art !!!

Rares de nos jours, très présents autour des rois de France comme dans les campagnes jusqu'au XXième siècle, les “rebouteux renoueurs et rhabilleurs, considérés comme "illégaux", voient leurs techniques persister chez quelques médecins. 

Ces pratiques ont suivi les migrations des hommes, des routes commerciales pas exclusivement médicales, puisque l’on retrouve des résurgences de manipulations chez les coiffeurs du Vietnam comme chez leurs confrères de Turquie ou encore dans les hammams du monde musulman. Faire craquer les vertèbres, notamment cervicales, était bon pour  le maintien de la santé par une bonne circulation de l’énergie vitale….

Au XIXème siècle , les concepts ostéopathiques et chiropratiques naissent aux Etats Unis. 

L’Ostéopathie

“Toute connaissance que n'a pas précédé une sensation m'est inutile”  

André Gide Les nourritures terrestres 1897

Andrew Taylor STILL (1830-1917) soulageait ses céphalées violentes en faisant reposer sa nuque sur une corde tendue. Infirmier, il fit fonction de médecin-chirurgien pendant la guerre de Sécession. Déçu des échecs d’une médecine aux maigres connaissances (il perdit trois de ses enfants de méningite et dysenterie) qui s’apprenaient « sur le tas » en quelques mois, il se retira dans un village indien où son père était pasteur méthodiste. Il aurait été initié par un rebouteux, un certain Robert JOY. Il avait une grande connaissance de l’anatomie et en particulier de l’ostéologie. Après avoir guérit dix-sept enfants lors d’une épidémie de dysenterie en quelques jours par frictions vertébrales, il établit  en 1874  les bases de sa philosophie autour de cinq principes interdépendants:

1er principe : la structure et la fonction sont interdépendantes. « La structure gouverne la fonction » : le trouble de la structure modifie directement la fonction. Une structure saine remplit toutes les fonctions pour lesquelles elle a été conçue. Alors, les fonctions accomplies par un organisme ne sont correctes que si la structure est dans un état correct. La notion de mouvement réunit les deux : la structure représente un mouvement figé et la fonction est l’énergie de ce mouvement. 

2ème principe: “le corps en tant qu’unité”. Le corps humain est une entité anatomique grâce au tissu conjonctif (fascia) qui entoure chacune des cellules et qui assure leur cohésion. Il ne peut être subdivisé. Il est un tout, une unité dans laquelle toutes les régions et systèmes du corps sont liés et interdépendants. Toute perturbation ou tout dysfonctionnement d’une région aura des répercussions sur le fonctionnement de l’ensemble (localement ou à distance). Still disait :« La cause d’un mal peut être loin de l’effet. ».  

3ème principe : “La loi de l’artère est suprême”. Pour A-T.STILL, si la maladie commence dans le lymphatique, le sang contenait tout ce qu’il fallait pour lutter contre la maladie (vision prémonitoire du rôle des anticorps et autres éléments circulants ?). La maladie ne pouvait survenir que lorsque la circulation sanguine était perturbée, par dérèglement du contrôle nerveux venant de conflits mécaniques rachidiens étiquetés « lésions ». Rééquilibrer l’ensemble du rachis devait rétablir l’équilibre neurologique et la circulation sanguine permettant de guérir voire de prévenir  la maladie. Il rappelait ainsi ce que l’on exigeait du médecin dans la médecine traditionnelle chinoise.

4ème principe: ”les forces d’autoguérison du corps”. Le corps est doté d’un très haut degré de perfection qui lui confère des possibilités d’autorégulation, d’autodéfense et d’autoguérison. L’ostéopathe n’enlève et n’ajoute rien. Lorsque le corps dépasse ses limites d’auto-guérison, l’ostéopathe intervient pour relancer le processus.  

5ème principe: “le patient et non sa maladie”. L’ostéopathe considère l’individu de manière globale avec son développement, son histoire, son environnement et les adaptations qui lui permettent d’y survivre.. L’ostéopathie met l’accent sur la fonction globale d’un corps, le lien dynamique étroit entre ces facteurs et l’importance de la relation patient-praticien dans le processus thérapeutique. Chez un patient, l’ostéopathe centre sa thérapie sur la santé quand le médecin se préoccupe de la maladie.

Il créa  en 1892  le premier collège ostéopathique à Kirksville (Missouri). A partir de 1897, les écoles d’ostéopathie essaiment. Les élèves seront diplômés du titre de « D.O. » (Doctor of  Osteopathy). Rappelons que dans les pays anglo-saxons ou germaniques, le titre de docteur n’est pas réservé aux professions de santé, c’est un titre de fin d’études universitaire. 

Le cursus des Collèges ostéopathiques  nord-américains s'est progressivement aligné sur celui des facultés de médecine classiques, l’ostéopathie y est un plus. Depuis 1962, les diplômes de « D.O. » et de « M.D. » (Doctor of medicine) sont reconnus comme quasiment équivalents, ouvrant les mêmes carrières d’omnipraticien ou de spécialiste. 

Si les Collèges d’Ostéopathie enseignent la philosophie ostéopathique, la transmission des traitements manuels est beaucoup plus succincte que l’on pourrait s’y attendre. Cela fera l’objet d’une éventuelle spécialisation indispensable pour acquérir les compétences nécessaires. De fait, « D.O. » et « M.D. » états-uniens pratiquent fort peu, laissant cela aux chiropractors. Ces pratiques font l’objet d’un regain d’intérêt aux USA. 

L'ostéopathie a évolué avec les disciples et successeurs de STILL. William-Garner SUTHERLAND expérimenta sur lui-même avant de décrire et d’enseigner l’ostéopathie crânienne, extension au crâne des principes de l’ostéopathie. D’autres approches fleurirent  viscérale, énergétique, émotionnelle…

Cette médecine ostéopathique construite sur une nouvelle connaissance de la maladie avec ses  traitements manuels se voulait une alternative alors que les approches conventionnelles n’étaient ni développées ni performantes. Les principes énoncés sont en cours de validation, ceci  est désormais une évidence pour la relation structure-fonction enseignée désormais à la faculté. 

La chiropraxie

David Daniel PALMER  (1845-1913). Apiculteur, puis épicier magnétiseur et autodidacte, a créé la chiropraxie (du grec  « keiros », la main et « praxis », le mouvement) à Davenport Iowa , en 1895. Il s’est sans doute inspiré de STILL. Pour lui, toute maladie vient tout simplement d’une perturbation de l’influx nerveux, du fait de troubles mécaniques du rachis. Il introduit la radiologie dans sa pratique en 1904, fait construire un appareil pour le rachis en 1909 et réalise les premiers clichés full spine debout en 1918.

La divergence conceptuelle entre ostéopathie et chiropraxie de la dysfonction est à l’origine de gestes radicalement différents. Pour la chiropraxie, c’est le désalignement d’une unique vertèbre par rapport aux étages sus et sous-jacents qui est la cause de tous les troubles, la manipulation sera donc sur une seule vertèbre. Les manipulations rachidiennes (ajustements chiropratiques) sont des techniques directes, souvent  brutales voire dangereuses (recoil). 

Pour l'ostéopathie, la dysfonction vertébrale trouve son origine dans le joint, l’articulation intervertébrale, et s’adresse donc à un couple de vertèbres. Dans la pratique, l’essentiel des manipulations que nous pratiquons viennent de l’ostéopathie.

Certaines écoles de chiropraxie assimileront secondairement les techniques ostéopathiques. 

D'autres simplifieront, ne traitant que la jonction crânio-rachidienne et l’Atlas en particulier, c’est l’approche “All in one”, puisque l'essentiel du système nerveux passe par le trou occipital. (L’Atlas-thérapie selon ARLEN se veut une approche douce de cette vertèbre clé).

Les écoles de chiropraxie se sont développées ensuite, donnant à leurs élèves le titre de « D.C. » (Doctor of Chiropractic). La chiropraxie est restée non médicale depuis ses débuts, même si de véritables « universités » privées se sont développées, donnant à leurs élèves de très solides bases anatomiques physiologiques et radiologiques en matière d’appareil locomoteur. Les chiropractors ont droit de cité aux Etats-Unis (avec quelques nuances suivant les Etats), à condition qu’ils s’abstiennent de toute autre méthode thérapeutique. Cette approche est marginale en France.

Implantation de la Médecine manuelle en Europe au XXème siècle

Il faudra attendre le XXème siècle pour voir arriver en Europe ces thérapeutiques manuelles, ostéopathiques et chiropratiques nées aux Etats-Unis. John Martin Littlejohn (1865-1947), élève de Still, apporta les bases de l'ostéopathie en Angleterre et fonda la British School of Osteopathy à Londres en 1917.  Elle existe encore à ce jour sous le nom de University College of Osteopathy.

Très tôt, l’influence nord-américaine s’est faite sentir chez les médecins de France, un livre est  même publié par des médecins français pour leurs confrères en 1913. Il faut retenir l’action d’une élève directe de STILL, le médecin britannique Florence GAIR, qui initia lors de la première guerre mondiale le Docteur Robert LAVEZZARI qui devient le maillon indispensable. Celui-ci perfectionna les techniques de mobilisation et de manipulation du rachis et des membres mises au point par le Dr STILL. Il créa le premier enseignement de l’Ostéopathie en France dès 1932, au Dispensaire HAHNEMANN à Paris avec ce principe clairement énoncé:

« Plus que jamais, nous pensons que l’ostéopathie mérite l’attention du corps médical et qu’elle ne doit être pratiquée que par des médecins spécialisés. » 

Docteur Robert LAVEZZARI

Il souhaita répandre l’ostéopathie par son livre « Une nouvelle Méthode Clinique et Thérapeutique : l’Ostéopathie ».  Il crée en 1952 la Société Française d’Ostéopathie, première société savante des médecins ostéopathes. Cette ostéopathie nord-américaine y a été recueillie, transmise et développée par une lignée de médecins, dont Pascal PIEDALLU, Jean-Thierry MIEG, Roger LESCURE, Claude RENOULT qui créa la première consultation hospitalière d’ostéopathie à Lariboisière sous l’égide du Professeur de SEZE, les Drs de MARE etc. 

Cet enseignement se poursuit dans cette école non universitaire de grande réputation.  

Définition de l’Ostéopathie pour l’OMS: Les praticiens ostéopathes utilisent un large éventail de techniques thérapeutiques manuelles pour améliorer la fonction physiologique et/ou réguler l’homéostasie altérée par un dysfonctionnement somatique (structure corporelle), intégrant des éléments du système somatique, des structures squelettiques, arthrodiales et myofasciales. Ils utilisent leur connaissance des relations entre la structure et la fonction pour optimiser les capacités d’autorégulation et d’auto-guérison du corps. Il s’agit d’une approche holistique des soins et de la guérison.

Cependant, le terme "ostéopathie" ne faisait et ne fait toujours pas l'unanimité, entretenant une confusion entre “une maladie des os” (pathos du grec ancien) quand A-T.STILL voulait signifier “chemin par l’os”, avec le “path” anglo saxon. 

C'est pourquoi certains médecins ont voulu se démarquer. A Paris, le Dr R.MAIGNE, médecin rhumatologue et ancien élève de la Société française d’ostéopathie, déçu de la transmissibilité de cet enseignement, souhaita se démarquer. Il travailla à simplifier au maximum la médecine manuelle pour la rendre compréhensible par tout médecin et ce, dans un langage orthodoxe acceptable par l’Université. Il adopta le terme de Médecine orthopédique.

La qualité de l’examen clinique systématisé, segmentaire et périphérique, résumé sur le schéma en étoile de MAIGNE et LESAGE sort la Médecine Manuelle de son caractère marginal et suspect. Ces deux “compères” se partagèrent l’enseignement de la médecine orthopédique pendant plus de trente années, les membres pour Yvon-Henri LESAGE (à Rennes, CHU Ponchaillou) et le rachis pour R. MAIGNE qui devient le porte-drapeau d'un renouveau de l'examen clinique alors que se développaient l’imagerie moderne. Cette structuration de la pensée est la base indispensable à l'utilisation raisonnée de toute autre technique manuelle dans une approche  médicale stricte du diagnostic qui peut se résumer ainsi:

“ Pour mieux agir, mieux comprendre” Auteur inconnu mais tout le monde est d’accord!

La première attestation d’études supérieures en thérapeutique manuelle fut ainsi créée à la faculté Broussais-Hôtel-Dieu en 1969. L’Ostéopathie devint ainsi la Médecine Manuelle Vertébrale puis le D.U de Médecine Manuelle Orthopédique en 1973 et enfin le D.I.U de Médecine Manuelle Ostéopathie en  1996. 

R. MAIGNE créa la Société Française de Médecine Orthopédique et Thérapeutiques Manuelles (SFMOTM) qui deviendra la Société Française de Médecine Orthopédique et Ostéopathique (SOFMMOO).

Définition pour la SOFMMOO: la Médecine Manuelle Ostéopathique est « une discipline médicale de haut niveau de connaissance et d’expérience dont le but est de diagnostiquer, traiter et prévenir les désordres réversibles fonctionnels de l’appareil locomoteur. » La médecine manuelle-ostéopathie se définit comme une pratique manuelle visant à diagnostiquer et traiter une dysfonction au sens large du terme, un dérangement bénin, mécanique et/ou réflexe, d’une structure articulaire, vertébrale ou périphérique ainsi que les douleurs projetées qui en résultent.

Dans la suite des travaux de R.MAIGNE, sous l’égide de la SOFMMOO et du Dr J-Y MAIGNE est née la Revue de Médecine Orthopédique, devenue Revue de Médecine Ostéopathie (RMO) désormais  en ligne réservée aux membres de la SOFMMOO. Elle est le seul périodique répondant aux besoins des médecins s’intéressant à la Médecine Manuelle.

De même qu’à Paris, à Lyon des médecins vertébrothérapeutes (comme A.LEPRINCE dès 1930 parlant de “Subluxations vertébrales et Réflexes vertébraux”, de SAMBUCY, J.d’ORNANO) ont créé une Société Française de Vertébrothérapie avec un diplôme  universitaire de vertébrothérapie, enseignement désormais rangé parmi les DIU de Médecine Manuelle - Ostéopathie. Des bribes du savoir des rebouteux nous sont parvenues  notamment grâce au Dr Etienne BELLON, décédé en 1959,  septième et dernier héritier du  don accordé en 1760 par un futur canonisé, Saint Benoît Labre… Il avouait être moins compétent que les six prédécesseurs car médecin.....

D'autres types de médecine manuelle…

« Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent »

Zhuangzi, l'ouvrage fondamental du Taoïsme.

Bien sûr, la chiropraxie aussi nous est parvenue. Dans les années 30, E.H. SCHWING, diplômé de l’école PALMER de Davenport, installé rue La Boétie à Paris, parlait de la chiropraxie, sans l’ombre d’un doute ni le moindre complexe:  "Contrairement à la médecine qui procède depuis son origine par tâtonnements construisant toujours de nouvelles hypothèses destinées à être remplacées par d’autres, la Chiropractic s’est érigée, une fois pour toutes, sur son principe essentiel, atteint dès la première expérience: le rôle de la colonne vertébrale et du système nerveux dans l’équilibre de la santé. Cette base demeura inchangée et inébranlable au cours des recherches ultérieures et c’est ce qui permit à cette science de faire de si grands progrès en si peu de temps. La philosophie chiropractic, malgré tous les assauts qu’elle eut à subir demeura intangible et toutes les nouvelles découvertes se groupèrent dès lors, autour de ce noyau.". Sic !

Après la seconde guerre mondiale, les Drs Douglas, d'origine canadienne, et Cl. DUBOIS-LALLEMENT (diplômé de l’institut de Chicago avant de faire médecine à Paris) firent tous deux leur carrière à Paris. 

Eric De Winter, ancien judoka, créa une terminologie complexe. Il enseigna les manipulations dans l'esprit des arts martiaux au sein du GRTM (Groupement de Recherche en Thérapeutiques Manuelles) devenant après sa disparition le GETM  (Groupement d'Etudes en Thérapeutiques Manuelles). 

D’autres approches se sont également développées comme les mobilisations et manipulations sous anesthésie générale, faites par les « Manipulative Surgeons » aux USA, également des britanniques avec MENNEL puis Ferdinand CYRIAX (inventeur du massage transverse profond) qui ont promu les manipulations sous traction réalisant une décoaptation globale, avec l’aide de  collaborateurs plutôt qu’instrumentale, pratiques fort anciennes.

Sous l’impulsion de Dr Albert PECUNIA (1909-1982) , s’est développée une « chiro-somatothérapie » qui utilise des techniques dites pendulaires, tractions brusques et brèves sur le rachis d’un sujet dont la partie supérieure du corps pend dans le vide, la partie basse étant fixée, des percussions etc… Sa méthode reste en pratique au sein de la Société Française de Médecine Mécanique.

L’approche des médecins suisses Eric SCHWARTZ et Freddy HUGUENIN, (1920-2014) conjugue l’analyse segmentaire métamérique à la caractérisation des syndromes supra-segmentaires lisibles dans la musculature périphérique. Ils soulignent le rôle prépondérant du système nerveux central dans ces réponses réflexes que sont les dysfonctions articulaires. Ils font le lien avec les “trigger points”, décrits par Janet G.TRAVEL et David G. SIMONS, les douleurs référées et leurs relations segmentaires. La lésion ostéopathique devenue Dysfonction segmentaire évolue vers un Syndrome de désinformation du  système nerveux central.

L’école tchèque avec les Professeurs Karel LEVIT (1916-2014) et Vladimir JANDA (1928-2002) démontrent les implications de la posture dans le développement cognitif du  système nerveux central et les dysbalances musculaires. L'intrication des pathologies de l’appareil locomoteur avec le système nerveux central amènent à parler de système moteur dont les dysfonctions sont des syndromes de dysinformation du système moteur.

Représentation

Ces multiples courants devaient présenter un consensus face aux pouvoirs publics. C’est chose faite en 1952 avec la création du Syndicat National des Médecins  Ostéothérapeutes Français (SNMOF) qui devient en 1994 le Syndicat de Médecine Manuelle Ostéopathie de France (SMMOF). Ce syndicat est à l'origine de la création d'un DIU de Médecine Manuelle- Ostéopathie, unifiant de précédents DIU de Médecine Manuelle et Orthopédique. Ce DIU, modifié dans son volume en 2015, accorde le titre et sa mention sur plaques et ordonnances, l'inscription sur les pages jaunes, les tarifications spécifiques des acte et le droit à un numéro ADELI pour l’exercice de l’ostéopathie. 

Il persiste de nombreuses associations d’enseignement, nationales ou régionales, non universitaires, dispensant pour certaines un enseignement d’initiation mais surtout les perfectionnements. De fait, être titulaire d’un DIU ne signifie pas avoir abouti à une connaissance définitive et suffisante, surtout en matière d’habileté de gestuelle. Comme le disait si bien le poète et écrivain pour l’écriture : 

« Hâtez-vous lentement et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :

Polissez-le sans cesse et le repolissez… »

 

Nicolas Boileau (1674)

Situation en France au XXIème siècle

Dans la dernière décennie du XXième siècle, l’évolution de la Médecine Manuelle, telle que conçue par R.MAIGNE et que nous exerçons, connaît moins une régression qu’une submersion par l’ostéopathie, en particulier non médicale. 

Après des décennies d’inaction judiciaire, malgré les procédures intentées à  des récidivistes de l’exercice illégal de la médecine,  en contradiction avec  le Code de Santé Publique qui depuis 1962 considérait la pratique de l’ostéopathie, chiropraxie et manipulations vertébrales comme un art exclusivement médical, la pratique s’est ouverte de facto aux non médecins.

Par un lobbying fort adroit, une pression médiatique et politique et avec le soutien- d’aucun dirait la complicité- du Ministre Bernard KOUCHNER, la Loi de Mars 2002, dite des Droits des malades, a rendu légale la pratique non-médicale de l’ostéopathie. Des décrets d’application  sont venus, en 2007, permettre aux DRASS d’établir les listes des « praticiens » agréés mêlant médecins et non médecins, professionnels de santé et non professionnels. 

Les médecins praticiens de longue date  mais n’ayant pas validé de DIU, malgré les incantations du SNMOF, n’ont pas été inscrits sur la liste malgré leurs compétences. 

Les kinésithérapeutes qui pratiquaient déjà l’ostéopathie illégalement au détriment de leur mission de base, ont aussi été validés pour la plupart, tout comme certain(e)s infirmier(e)s ou sage-femmes et podologues. 

L'engouement actuel pour les ostéopathes non praticiens de santé peut s’expliquer par la pénurie de médecins, l’ambiguïté du titre DO (non pas docteur en ostéopathie mais diplômé en ostéopathie). Surtout, la confusion dans l’esprit des patients entre ce qui médical et ce qui ne l’est pas est perpétuée par le remboursement de ces soins de confort par les mutuelles. Pour autant, l’incapacité des ostéopathes non professionnels de santé à s’organiser, c’est-à-dire de limiter le nombre d’écoles (multiplié par dix au lendemain de la loi), ainsi  que celle de l’Etat de réglementer, sont responsables d’une pléthore faisant passer leurs effectifs de  2500 en 2002 à 35.000 en 2022. 

Pendant ce temps, la frilosité de l’université comme des instances professionnelles représentatives vis-à-vis de l’ostéopathie médicale, dans la prolongation de l’esprit du XXème siècle, laisse penser que le jugement du Sieur Guy PATIN (cf Histoire page 5) aura marqué durablement les esprits. Le réchauffement récent des relations n’est pas sans rapport avec la participation active et le soutien de médecins hospitaliers, professeurs des universités, et l’élection d’un médecin ostéopathe au conseil de l’ordre des médecins.

Des évolutions juridiques très récentes ont tranché sur les rôles respectifs des non professionnels de santé, cantonnés aux soins de confort, et des professionnels de santé tout particulièrement médecins, pour les problèmes médicaux. 

Nous sommes et devons rester… des médecins !!!

Nous devons rester des référents sur le plan diagnostique comme sur le plan thérapeutique. Savoir mieux que les autres est un lourd challenge qui impose, après le DIU, de nous perfectionner régulièrement. Ces formations continues, locales, régionales ou nationales,  approfondissent les connaissances intellectuelles et perfectionnement des pratiques manuelles afin d’être le recours de patients en errance et de leurs plaintes sans explication, abreuvés de conseils de santé et désorientés par  la lecture d’internet…

Notre attention ne doit pas se détourner de la réalité médicale, de ses bases et de ses limites. Nous pratiquons toujours un Art et non une Science, incompatible avec les études statistiques. Nous devons rester rigoureux dans notre cadre éthique et dans le respect du Serment d’Hippocrate.

LES DIFFÉRENTS TRAITEMENTS MANUELS

Des tissus mous…

“Un dos qui n’a pas été massé n’a pas été traité”

Dr de SAMBUCY

Dialogue entre la main du thérapeute et les tissus mous, il existe une variété de massages, nos techniques seront surtout sédatives, ce qui ne veut pas dire.... indolores ! Effleurements, frictions, étirements, pétrissage, étude et la recherche des zones cellulalgiques se feront par le palper-rouler, le traitement de ces zones utilisera un massage en pincer-rouler ou en en pli cassé. Le massage transversal profond (MTP) de CYRIAX  s'adressera aux ténalgies et aux cordons myalgiques comme le décordage et les techniques de reboutage du Docteur BELLON).

D’autres techniques sont utiles et complémentaires comme la fasciathérapie, le relâchement positionnel de Jones, les points de compression…

Les étirements après contractions isométriques successives ( MITCHELL) ou travail myotensif est souvent plus confortable et efficace que les étirements soutenus prolongés et répétés. Ils s'adressent particulièrement aux algies musculaires, tendineuses ou ligamentaires : ils représentent une thérapeutique fondamentale et s’associent aux auto-étirements, techniques de stretching. Ils s’intègrent dans les rééquilibrages musculaires posturaux.

Et les articulations

… et en ce qui concerne les articulations, les tissus mous voisins et les récepteurs nerveux articulaires:

Lors d’un mouvement volontaire actif, celui-ci s’arrête aux limites fonctionnelles de l'articulation. Lors d’une mobilisation passive, le relâchement de la musculature permet de dépasser l’amplitude articulaire du mouvement actif. Cette amplitude est alors limitée par la mise en tension des structures capsulo-ligamentaires donnant une sensation de résistance élastique: ce sont les limites physiologiques du jeu articulaire.

Dans certaines conditions, il est utile d'aller au-delà de cette mise en tension, par un mouvement très rapide et de très faible amplitude qui fait souvent entendre un bruit de craquement (décoaptation articulaire et phénomène de cavitation) sans dépasser les limites anatomiques : c'est la manipulation articulaire

Les manipulations vertébrales s'adressent à l'unité articulaire intervertébrale constituée par le disque, les articulations postérieures, tous les ligaments intervertébraux, toute une musculature intervertébrale segmentaire. Elle mobilise des éléments vasculo-nerveux associés. 

Au-delà des limites anatomiques du jeu articulaire peuvent survenir fracture ou rupture capsulo-ligamentaire.

Cinq définitions des manipulations vertébrales, parmi d’autres: 

-"La  manipulation est une mobilisation passive, forcée, brève,sèche et unique, qui tend à porter les éléments d'une articulation ou d'un ensemble d'articulations au-delà de leur jeu habituel, jusqu'à la limite de leur jeu anatomique possible. Elle consiste donc, au niveau du rachis, lorsque l'état de celui-ci le permet et le nécessite, à exécuter des mouvements de rotation, de latéroflexion, de flexion ou d'extension, isolés ou combinés, portant sur le segment vertébral choisi. " 

(R. MAIGNE)

-"La manipulation est un acte thérapeutique qui s'effectue à un niveau choisi, dans une direction déterminée. Elle est précédée par la mise en position du patient et du thérapeute, initiée par une mobilisation préparatoire qui met le segment ostéo-articulaire considéré en tension, à la limite de son jeu physiologique. Elle consiste en une impulsion brève, sèche mais douce et contrôlée, au-delà de ce jeu physiologique, appliquée directement ou indirectement, ne dépassant pas la limite au-delà de laquelle apparaîtraient des détériorations structurelles. Elle s'accompagne généralement d'un bruit, claquement ou craquement. » 

(B. LEJEUNE)

-"La manipulation est une mobilisation passive forcée. Elle se fait par une impulsion sèche mais douce, très rapide et de faible amplitude, dans une direction précise, sur un joint préalablement mis en tension dans un sens déterminé ;  elle dépasse dans ce sens la mobilité actuelle du joint."

(A. DEPOORTER)

et pour finir dans un style balistique: 

-” La manipulation vertébrale est la variation isométrique brève et rapide d’une force appliquée dans une direction déterminée, à un niveau articulaire privilégié, sur un ensemble complexe assurant le mouvement, mis préalablement dans un positionnement particulier, d’une intensité inférieure à celle provoquant des lésions structurelles”. 

(E. de WINTER)

et neurologique

-”La manipulation vertébrale est une thérapie informationnelle du système nerveux central, s’effectuant en jeu articulaire qui réalise la mise en tension segmentaire, par un mouvement rapide qui est une intention de rotation, dans le sens douloureux, sans rechercher ni grande amplitude ni mouvement forcé et qui ne s’accompagne pas obligatoirement de bruits articulaires.” 

(HUGUENIN F. WILMOUTH G.)

La règle de la non-douleur 

Le schéma en étoile de Maigne et Lesage reproduit l’analyse clinique segmentaire et permet de visualiser les directions libres et bloquées, indolores et douloureuses.

Quant au sens du mouvement manipulatif, il a fait l’objet de nombreux débats “entre Maîtres”. Si les avis ont pu diverger, tous respectent cette règle: Pas de douleur provoquée lors de la manipulation. La notion de jeu articulaire devient alors essentielle mais c’est une autre histoire…). 

Quelque soit l’école, cette “règle de la non douleur” souligne une évidence: le traitement manipulatif ne peut s’accompagner d’aucune aggravation même minime ou transitoire de la douleur, d’où l’importance du  confort lors de la mise en tension préalable à l’impulsion. L’introduction de douleur dans un système déjà en souffrance renforcerait les mécanismes de protection de l’articulation c'est-à-dire la contraction des muscles mono articulaires rendant alors le joint inaccessible au traitement manuel. 

Parlons résultats…

“Non soutenue par des résultats, une vérité n’est qu’une supposition optimiste”

A-T STILL, Philosophie de l’ostéopathie, 1899

L’ancienneté des plaintes va conditionner le résultat immédiat. Très efficace pour une douleur récente, l’amélioration immédiate valide rétrospectivement le diagnostic. Toute plainte durant plus de trois semaines doit être considérée comme chronique sans attendre le délai usuel de  trois mois distinguant classiquement l’aigu du chronique. En effet, après trois semaines, la douleur affecte durablement la réponse réflexe du système nerveux central et le schéma postural  de l’individu. Au-delà de ce délai, il y aura besoin de plusieurs consultations à un rythme dépendant de la réponse et surtout, d’une association durable d’auto-rééducation et de correction de la gestuelle du quotidien (ergonomie). La qualité de la relation pédagogique pour obtenir la participation du patient est alors déterminante.

En absence d’amélioration, en aigu comme en chronique, il ne saurait y avoir trois traitements manuels -sinon deux- sans remettre en cause le diagnostic initial, ouvrant la voie à d’autres approches thérapeutiques plus adaptées.

Il va de soi, mais toujours mieux en le disant, que cette approche vit mal les standardisations et les statistiques. En effet, des causes multiples peuvent donner un tableau en apparence identique. L’examen clinique fin retrouvera alors des spécificités subtiles car chaque patient est unique, que chaque consultation du même patient sera elle-même unique et débouchera, bien évidemment, sur un traitement unique et sur-mesure

Pour un traitement par de “bonnes mains”, on s’accorde à penser que dix années de pratique quotidienne sont indispensables à l’expertise. Les résultats statistiques ne sont malheureusement pas aussi significativement positifs que le vécu de la plupart des patients; la méthodologie des études cliniques restant le nœud gordien pour cette pratique ancestrale et artistique.

PLACE & INTÉRÊTS DE LA MÉDECINE MANUELLE

Pour tout médecin : l’apport diagnostique

Des découvertes de l’Ecole de MAIGNE découlent une approche clinique rigoureuse de la douleur  remplacée à ce jour par aucun examen complémentaire. L’étude de la douleur du patient, quant elle vient d’apparaître ou, surtout, quand elle est devenue chronique, concerne tous les médecins:  les omnipraticiens évidemment, mais également tous ceux qui sont confrontés à la douleur « neurologique » d’organe ou d’appareil (rhumatologue, cardiologue, gastro-entérologue, ORL, chirurgien-dentiste…).

Cette analyse clinique de la douleur repose sur une conception « métamérique » de distribution embryologique. La topographie des douleurs désignant un niveau, ce métamère doit être systématiquement exploré cliniquement de l’extérieur vers l’intérieur : la peau, les muscles, tendons ou articulations qu’elle recouvre et, là où c’est possible, les viscères. La moindre anomalie cutanée, tendineuse  osseuse ou musculaire peut entrer dans le cadre d’un syndrome cellulo-téno-périosto-myalgique (CTM) causé par une dysfonction segmentaire (ancien dérangement intervertébral, DIV). Ce “dérangement intervertébral” peut être autonome ou réactionnel à une pathologie du viscérotome correspondant. La qualification de “Mineur” du dérangement intervertébral (DIM), si la cause en est bénigne, est minimaliste sinon inappropriée eu égard au cortège de troubles rapportés.  

De la même façon, si la douleur alléguée évoque telle ou telle affection viscérale, le raisonnement métamérique doit être appliqué. 

Il va de soi que pour une douleur, aiguë ou chronique, dans un contexte inquiétant (post-traumatique, infectieux, inflammatoire, tumoral), nous sommes priés d’oublier le rachis pour penser aux urgences vitales. Restons médecins !

Pour ceux qui s’intéressent à la pathologie de l’appareil locomoteur

Il est évident que les douleurs ostéo-articulaires ou rachidiennes sont beaucoup plus fréquentes que les pathologies strictement rhumatismales inflammatoires. Ces tableaux sont en général indifférents aux traitements médicamenteux, aux prises en charge kinésithérapiques systématiques voire à la chirurgie : souvent seuls les traitements manuels peuvent agir.

Il est important de faire le diagnostic pour ne pas « entretenir » une douleur dans une chronicité inadmissible, par un processus de mémorisation rendant vain tout espoir de rétablissement. Il en va de  même des actes chirurgicaux inutiles dans les pseudo radiculalgies et syndromes pseudo canalaires, ajoutant des cicatrices aux douleurs initiales. 

En définitive, les thérapeutiques manuelles sont des traitements de première intention dans une majorité de phénomènes douloureux chroniques d’origine non-viscérale et non-rhumatismale.  Elles restent des traitements d'appoint pour les pathologies viscérales diagnostiquées, lésionnelles ou non lésionnelles  par les techniques adaptées.

CONCLUSION

L’approche manuelle de la médecine est un outil diagnostique indispensable à tout médecin. Elle permet une meilleure compréhension de douleurs diverses semblant parfois étrangères au rachis. 

Avec Monsieur de La Palice, on dira que parler de médecine manuelle -donc de médecine- impose d’être Médecin et le rester ! Sans interprétations fantaisistes, avec une mise à jour permanente des savoirs, dans la spirale dynamique et positive du doute qui est gage de sécurité et d’efficacité pour nos patients.

La médecine manuelle reste un art indissociable de l’examen clinique  donc de la médecine à une époque où celle-ci se revendique de plus en plus comme une science. La médecine manuelle exige une pratique régulière et un perfectionnement soutenu, qui ne prendra jamais fin, pour une expertise qui s’acquiert au fil du temps.

Il est essentiel de redire que les examens complémentaires ne sont toujours pas en capacité de supplanter l’examen clinique mais que le clinicien ne saurait pour autant s’en passer. Quant au choix et à l’ordonnancement des techniques thérapeutiques, leurs justes places dans le traitement individualisé résulte de la confrontation des examens clinique et complémentaires. 

La transmission de cet art exigeant s’est toujours faite par compagnonnage et se fera encore demain par la transmission de la main d’un Maître à celle d’un élève. il n’en demeure pas moins que, comme pour toute pratique artistique, si l’on reconnaît à sa touche le peintre, c’est à sa main que l’on reconnaît le médecin-ostéopathe.

Les différentes approches mentionnées ne sont en aucun cas une liste exhaustive des pratiques de médecine manuelle. Le devoir du médecin ostéopathe est de savoir faire grandir ”sa caisse à outils” afin de répondre aux problèmes spécifiques et toujours renouvelés que les patients nous posent.

par le Dr Gilles WILMOUTH

BIBLIOGRAPHIE

GARCIA J-L: Présentation du DIU de Médecine Manuelle Ostéopathie de l’Hôtel-Dieu

HUGUENIN F. Médecine orthopédique,médecine manuelle, Diagnostic. Ed.Masson 1991 

ILLI W.H.: Pléthore de médecins et chiropratique, 

LAVEZZARI R. Une nouvelle Méthode Clinique et Thérapeutique : l’Ostéopathie. 1932

LEPRINCE A.: La vertébrothérapie. Ed Maloine 1931 

MAGOUN HèI: Ostéopathie dans le champs crânien Ed SULLY 2000

MAIGNE R.: Diagnostic et traitement des douleurs communes d’origine rachidienne, une nouvelle approche. Ed. Expansion scientifique française 1989 

MAIGNE R. et coll.: “Ostéopathie, Chiropractie, Manipulations vertébrales, Etat actuel  du problème”  Cinésiologie, numéro 44, 1972

MENNELL J. Algies rachidiennes, Ed Publications médicales et pharmaceutiques 1933

PIGANIOL et coll. Les manipulations vertébrales. Ed. GEMABFC 1987

TRAVELL J.G SIMONS D.G.: Douleur et troubles fonctionnels myofasciaux, 2 tomes, Ed. Haug

SCHWING E.H. La chiropratic, suite de deux conférences, mars 1935

Société Française d’Ostéopathie, site internet

STILL AT, Philosophie de l’ostéopathie. traduit par P.TRICOT, Ed SULLY 2003

WINTER de E.: Les Kuatsu, thérapeutique manuelle de tradition asiatique  Thèse de doctorat 

WILMOUTH G. Comparaison des approches française et suisse des manipulations vertébrales. Mémoire de D.U pathologie du rachis Bichat Beaujon 2002